Les enjeux de la mobilité innovante et durable – 3ème Partie

Les enjeux de la mobilité innovante et durable – 3ème Partie

Les acteurs de la mobilité durable

Article écrit à quatre mains par Sebastien Lopez et François Veauleger.

Corinne Meunier et Thomas Zéroual dans Transport durable et développement économique nous disent que le transport génère des externalités négatives – notamment environnementales – largement reconnues et dénoncées. Aussi, la référence à la durabilité désormais incontournable dans de nombreux domaines de l’action publique, s’étend inévitablement au transport via la notion de transport durable. C’est notamment en matière de fret que les enjeux de durabilité semblent les plus importants : le taux de croissance du transport des marchandises est en effet plus élevé que celui des passagers et le déséquilibre des parts modales s’y creuse davantage, en défaveur des modes les moins polluants. Dans le transport de fret, c’est la politique européenne des transports qui exerce aujourd’hui une influence déterminante à la fois sur la conduite de la politique française (à toutes les échelles) et sur les comportements de la quasi-totalité des acteurs et des opérateurs qui interviennent dans le domaine des transports en France. 

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Au niveau européen, l’intégration du développement durable dans le champ des transports s’est renforcée officiellement avec le livre blanc de 2001, intitulé : « La politique des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix ». Dans ce rapport, la Commission européenne identifie trois difficultés majeures du secteur :

  • la croissance inégale des différents modes de transport, qui reflète la meilleure adaptation de la route aux besoins de l’économie moderne ;
  • la congestion de certains grands axes routiers et ferroviaires ;
  • les nuisances à l’égard de l’environnement et de la santé des citoyens.

Le livre blanc alerte donc les gouvernements face à la dégradation constatée du secteur et préconise la solution d’un « découplage » entre la croissance économique et la croissance de la demande de transport. L’OCDE définit le découplage comme la notion qui traduit les liens entre « ce qui est mauvais à titre environnemental » et « ce qui est bon au niveau économique ». Plus précisément, le découplage compare les pressions sur l’environnement aux évolutions des variables économiques qui génèrent ces pressions environnementales.

Le message de Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, en charge des transports, est à cet égard très clair quand il énonce les constats suivants :

  • la mobilité ne peut pas être freinée. Même si on le voulait, la croissance économique implique une croissance des transports. Il ne s’agit donc pas de freiner la mobilité.
  • la mobilité est un atout majeur pour la compétitivité. Il faut rompre avec le dogme de la déconnexion du taux de croissance des transports avec le taux de croissance du PIB. La stratégie des transports est un élément essentiel pour atteindre les objectifs de Lisbonne. Notons que la stratégie de Lisbonne pour promouvoir la croissance, la compétitivité et l’emploi, s’appuie pleinement sur l’achèvement du marché intérieur et le développement des infrastructures.
  • Il faut cependant conjurer les effets négatifs.

Les solutions de mobilité durable à imaginer ne devront donc pas mettre en péril des dynamiques économiques fortement corrélées à l’activité de transport. Le rôle central accordé au transport restreint ou tout du moins complexifie le champ des possibles en matière d’actions publiques. Aussi l’objet de notre deuxième section sera par conséquent de questionner ce lien entre transport et dynamiques économiques.

Au final, au travers de leur article Corinne Meunier et Thomas Zéroual nous démontre que le principale frein au développement durable est l’économie que la mobilité génère et que plus les solutions sont recherchées au niveau des états, plus le discours devient technocratique, bien loin des besoins quotidiens des usages, de leurs habitudes de transports et de leurs contraintes.

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Cependant dans la revue Vertigo Jade Bourdages et Eric Champagneanalysent un changement de paradigme chez nos cousins quebecois. Pour euxSi le concept de mobilité durable est souvent assimilé à celui de transport durable sur le plan de la rhétorique, la littérature scientifique nous indique la teneur des apories qu’une telle confusion suscite. En fait, cette apparition conceptuelle révèle qu’il ne s’agit plus uniquement d’améliorer l’efficience des technologies et des équipements de transport existants afin d’assurer un niveau acceptable de coûts sociaux et économiques associés aux déplacements physiques et géographiques des biens et des individus. La mobilité durable est le prélude à de nouveaux questionnements qui affectent le paradigme du « transport durable ». Le concept de mobilité durable participe donc à la remise en cause des approches techniques qui lui sont liées et des approches plus conventionnelles que nous avons connues et acceptées jusqu’alors pour identifier, analyser et évaluer les enjeux liés à la planification des transports. 

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Une évolution de point de vue qui laisse présager une réappropriation des besoins au coeur de la pensée de transformation.

Mais revenons à nos moutons…à nos acteurs de la mobilité durable.

L’Europe

La politique des transports européenne s’est bâtie pour partie sur le principe de libre circulation des biens et des personnes avec la suppression des barrières douanières.

Ce premier objectif ayant été atteint, le second reposait sur l’idée que les déplacements devaient se faire dans une logique de respect du développement durable.

Le premier levier de l’Europe est donc d’offrir aux utilisateurs des modes de transports alternatifs à la voiture et au camion. L’Europe contribue ainsi au développement du ferroviaire notamment des lignes à grandes vitesse qui relient les grands bassins d’emplois et d’habitats.

L’Europe cherche notamment à :

  • renforcer la place des transports maritimes et fluviaux,
  • développer des voitures dites « propres »,
  • promouvoir les transports en communs dans les zones urbaines congestionnées.

Elle contribue parfois aussi à financer des projets par le biais de fonds tels que le FEDER.

Cette politique de l’Europe rencontre également des difficultés dont deux peuvent être citées. D’une part, il ne faut pas oublier que le secteur de l’industrie automobile contribue aussi au développement et à la richesse de l’Europe. Il est une ressource importante dans les PIB des pays et donc tout l’enjeu réside dans la conciliation du développement économique dans le respect des objectifs d’un développement durable.

D’autre part, au nom du principe de subsidiarité, la réflexion à l’échelle européenne sur les modes de transports les plus importants (domicile / travail) ne parait pas toujours être la plus pertinente.

L’Etat

La loi d’Organisation des transports intérieurs (LOTI) de 1982 fixe le cadre général du dispositif. Cette loi a été modifiée et complétée par la loi Solidarité et renouvellements urbains du 13 décembre 2000 et la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004.

L’Etat fixe le cadre réglementaire de la politique en matière de transport et les grandes orientations stratégiques dans le cadre de schémas d’aménagements et d’infrastructures. Il participe aux contrats de plan Etat-Région

Il a un rôle de financeur à travers sa participation à Réseau ferré de France, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dont la vocation première est de gérer les infrastructures ferroviaires. Il est également l’autorité de tutelle de la SNCF qui exploite les trains (TGV, TER…)

Enfin, au niveau des transports urbains, l’Etat a un rôle réglementaire. Il oblige certaines collectivités à se doter de plans de déplacements urbains ou encadre les tarifs par exemple. Il a aussi un rôle dit « ressource » pour alimenter les réflexions sur les enquêtes ménages déplacements à titre d’exemple.

La Région

Depuis la loi SRU, la Région est l’autorité organisatrice des transports collectifs d’intérêt régional.

La Région est chargée de :

  • l’organisation des transports ferroviaires de voyageurs via le réseau des trains express régionaux (TER), qui sont effectués sur le réseau ferré national (à l’exception des services d’intérêt national et des services internationaux) ;
  • la signature de conventions avec la SNCF pour fixer les conditions d’exploitation et de financement des services ferroviaires régionaux ;
  • la participation au financement des infrastructures telles que les nouvelles lignes de TGV ;
  • l’organisation des transports routiers non urbains de personnes d’intérêt régional (par exemple les transports de substitution par autocar aux services ferroviaires) ;
  • l’établissement des plans régionaux des transports (relatifs aux services réguliers non urbains d’intérêt régional) ;
  • l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France par le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) ;
  • l’élaboration des schémas régionaux des infrastructures et des transports ;
  • la détermination du contenu du service public de transport régional de voyageurs (dessertes, tarification, qualité du service, information de l’usager…).

En matière de transport urbain, la Région intervient dans la modernisation des gares, leur organisation dans une logique multimodale et intermodale.

La Région est chargée d’élaborer le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) (loi NOTRe du 7 août 2015). La nouveauté de ce document réside dans le fait qu’il devient un document juridiquement opposable.

Les transports ferroviaires représentent un poste important dans les dépenses d’un budget régional.

Le Département

Les transports non urbains ou interurbains (hors PTU) relèvent de la compétence départementale.

La LOTI indique que le Département est l’autorité organisatrice pour organiser les services de transports routiers non urbains réguliers et les services à la demande dans la limite territoriale du département.

Les transports interurbains départementaux comprennent les services réguliers et les services à la demande de transport routier qui peuvent être délégués, par le département, à des autorités organisatrices de transports secondaires que sont les communes ou leurs groupements.

Les départements sont chargés :

  • d’élaborer le plan départemental relatif à la gestion des transports publics (services réguliers ou à la demande) ;
  • d’organiser les transports routiers non urbains de personnes ;
  • d’exploiter des infrastructures de transports ferroviaires ou de transports guidés non urbains ;
  • d’assurer, à la demande des communes, tout ou partie de l’organisation et de la mise en œuvre d’un service de transport ;
  • de mener des politiques de désenclavement des territoires ruraux par des transports collectifs destinés aux citoyens.

La loi du 13 août 2004 permet la délégation du transport scolaire aux départements par les AOT et le transfert du transport scolaire par le département aux communautés urbaines et d’agglomérations.

Les communes et des EPCI

Les communes et les groupements de communes sont des AOT sur leur PTU, compétentes pour :

  • l’organisation des transports publics urbains de personnes dans le cadre d’un PTU ;
  • la définition de la consistance de l’offre de transport, ainsi que de la tarification et du mode d’exploitation du service ;
  • l’élaboration par les EPCI des principales orientations de la politique et plan de déplacements urbains (PDU).

Trois acteurs participent au financement des transports collectifs : les usagers, les employeurs et les pouvoirs publics. Les entreprises et les administrations de plus de neuf salariés participent via le versement transport (VT). L’Etat et les collectivités locales peuvent participer au budget des transports.

Enfin, l’usager par le biais du paiement du titre de transport (ou abonnement) contribue également à ce financement. Ce dernier est aussi alimenté par une part du produit des amendes de police liées aux infractions au code de la route.

Les collectivités peuvent se doter d’un plan de déplacements administration (PDA) sur le modèle des plans de déplacements entreprise.

Les Autorités Organisatrices de la Mobilité durable

La loi MAPTAM du 27 janvier 2014 crée les autorités organisatrices de la mobilité ou autorités organisatrices de la mobilité durable (AOM). A l’échelle intercommunale, les anciennes AOT et AOTU deviennent des AOM. Une AOM est une forme d’AOT.

Elle est chargée d’assurer l’organisation du réseau de transport urbain sur son territoire, le périmètre de transport urbain (PTU). Pour mener à bien ses missions, l’AOM perçoit le versement transport (VT).

Leurs missions ont été peu à peu renforcées, notamment avec l’avènement des enjeux liés au développement durable. Elle est chargée d’élaborer le PDU. Les missions ne relèvent plus simplement d’une organisation des transports mais d’une véritable politique de déplacements (stationnement, modes alternatifs à la voiture, etc.).

Les actions des AOM sont élargies et s’articulent autour :

  • de la délivrance du label autopartage,
  • du covoiturage,
  • du stationnement (pouvoirs de police transférés du Maire vers le président de l’EPCI),
  • des modes dits doux (vélos et marche à pieds),
  • de la livraison des marchandises et de la logistique urbaine.

Le Schéma régional de l’intermodalité (SRI) / SRADDET

Le schéma régional de l’intermodalité qui avait vocation à coordonner les politiques de mobilité durable à l’échelle régionale en matière d’offre de services, d’information aux usagers, de tarification et de billettique est absorbé dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).

L’objectif reste identique, à savoir, mieux organiser l’intermodalité pour que les usagers puissent se rendre d’un point A à un point B en utilisant plusieurs moyens de transport sans avoir à changer sans cesse de billet et avec des correspondances fluides entre ces moyens de transport.

Il définit les principes guidant l’articulation entre les différents modes de déplacement, notamment en ce qui concerne la mise en place de pôles d’échange.

Il prévoit les mesures de nature à assurer une information des usagers sur l’ensemble de l’offre de transports, à permettre la mise en place de tarifs donnant accès à plusieurs modes de transport et la distribution des billets correspondants.

Les entreprises et les ménages

Les entreprises de plus de neuf salariés incluses dans un périmètre de transport urbain participent à la politique des transports par le biais du versement transport (VT).

Elles peuvent se doter d’outils de planification tels que les plans de déplacements des entreprises (PDE). L’objectif principal d’un PDE est d’inciter les salariés, les clients et les fournisseurs à réduire l’usage de la voiture individuelle au profit d’autres moyens de transport moins polluants.

Les ménages occupent une place particulière dans cet ensemble. En effet, c’est un acteur économique utilisateur des moyens de transport individuel et collectif.

Dans le même temps, il participe directement en tant que contribuable, mais aussi en payant le service offert, au financement des transports. Il est également le destinataire, on parle de « public visé » des politiques de transports et/ou de déplacements.

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En conclusion, un nouveau volet s’ouvre avec le projet de loi d’orientation sur les mobilités dont les principaux points sont les suivants.

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Le projet de loi réorganise la gouvernance des transports et élargit généreusement les compétences des autorités organisatrices.

Ce texte propose l’élargissement du rôle des collectivités locales, de favoriser les déplacements propres et de lutter contre les inégalités face au transport.

Un des premiers objectifs est de lutter contre les « zones blanches », zones sans offre de transport autre que la voiture et qui représenterait 80% du territoire français. L’intercommunalité aurait le rôle d’AOM en lieu et place de la Région.

Des contrats opérationnels de mobilité seront signés entre les collectivités locales pour mieux articuler et mutualiser l’offre de transport à l’échelle régionale.

Les PDU deviendront des plans de mobilité. Au-delà du changement d’appellation, l’objectif est d’intégrer toutes les formes de mobilités et qu’elles soient accessibles au plus grand nombre.

Toutes ces définitions ont été recueillies dans le Wikiterritorial du Centre National de la Fonction Publique et Territoriale, c’est à dire, au coeur de la machine régalienne française.

Bref, la France adore les acronymes mais résume toujours la mobilité avec le transport…

Une fois ce constat fait, nous allons privilégier la piste de l’organisation de la mobilité durable et ses aspects techniques dans les prochains épisodes 🙂

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