Est-ce sociologiquement difficile d’utiliser les transports en commun ?
Article écrit à quatre mains par Sebastien Lopez et François Veauleger.
Le bien vivre ensemble c’est quoi ? Enfonçons une porte ouverte, ou ce que vous voulez ! Dans « transports en commun », il y a « en commun », qui renvoie au savoir être ou savoir vivre.
Le savoir-vivre sert les autres et non pas nous. Alors, c’est vrai qu’on ne sert pas à grand monde en étant scotché à son téléphone, fléau de notre époque. Imaginez quand vous en avez deux !
Est-ce qu’on sait encore dire bonjour ? j’ai l’impression que non, mais tendre son majeur en voiture, oui !
On s’égare là, revenons aux transports, majoritairement les gens vont vous dire, « je ne me sens pas à l’aise dans les transports » et je les comprends en tant que premier fautif, que dites-vous quand vous rentrez dans un tram et que tout le monde à la tête baissée sur son smartphone.
Vous rendez vous compte qu’aujourd’hui, on nous parle des superhéros du quotidien, des Supermans des petits gestes. Est-ce que ce n’est pas ridicule de constater qu’un héros de nos jours, c’est celui qui dit bonjour ou laisse sa place.
Combien de personnes passent à cotés d’une bouteille vide ou d’une revue laissée négligemment dans le train ou dans le tram. Combien les prennent pour les mettre à la poubelle ?
Les gens nous dérangent dans les transports et c’est bien dommage ! notre société est forte de ce multiculturalisme, vivons-le au quotidien et non pas simplement dans une quête de dépaysement durant les vacances.
On ne supporte plus les gens, on a peur de se faire aborder ou même juste d’un sourire. Accepter l’autre ne rendra pas plus riche, plus beau ou moins en retard. Mais lorsque quelqu’un vous sourit rempli de gratitude, je peux vous garantir que vous souriez vous aussi, ca marche comme un bâillement.
Comme l’écrit, Vincent Trémolet de Villers dans les pages du figaro.fr, « Vivre ensemble », ces deux mots que l’on peut rattacher d’un trait d’union apparaissent de plus en plus comme le paravent de nos impuissances et de nos abandons. La réalité la plus élémentaire, le fait de vivre dans une relative sociabilité avec son environnement immédiat, ses compatriotes est devenue un idéal inaccessible.
En effet, où commence le « vivre ensemble » ? Le premier espace où l’être humain se trouve contraint de partager son existence avec des personnes qu’il n’a pas choisies, c’est avec ses parents et éventuellement ses frères et sœurs. La famille est donc le premier lieu du « vivre ensemble », mais les transports sont de loin celui le plus inconfortable aujourd’hui.
Lire l’article complet du figaro.fr
Progressivement, notre société tend vers la phobie sociale ou l’anxiété sociale. Aujourd’hui, nous nous sentons anxieux dans une simple situation d’interaction avec d’autres personnes. Nous redoutons le regard et le jugement des autres, voir nous jugeons nous même.
Au quotidien, nous nous enfermons dans notre bulle personnelle pour nous concentrer sur nos correspondances. Car en effet, nous savons tous que pour un utilisateur des TC, les trajets quotidiens impliquant une correspondance exigent : un effort physique (+ important pour certains usagers) ; un effort cognitif (recherche et interprétation rapide des informations relatives à la correspondance) ; un effort affectif : correspondance qui peut être source d’inquiétude (ex : rater sa correspondance, sentiment d’insécurité, de confort en particulier tôt le matin ou tard le soir).
Et c’est pourquoi, alors que c’est un mal nécessaire, les outils de l’intermodalité et de la multimodalité participent malheureusement à notre isolement en nous donnant l’information en direct sur notre smartphone (de notre direction, de notre quai, etc..) sans avoir besoin de demander notre chemin.
Quid d’un outil social tel WAZE, COYOTE, permettant de nous guider dans nos trajets quotidiens en transport en commun en interagissant avec les autres, en remerciant les autres de leurs astuces ?
Qu’est ce qui nous est arrivé ? Pourquoi ne supportons plus l’autre, ce refus de l’intrusion d’un tiers dans notre bulle. Le matin dans les transports en communs en est le plus bel exemple.
Tel le Coq ou les cloches du village, nous ne supportons plus les enfants qui pleurent dans les trains (doivent ils subir le même sort que Maurice le Coq ?), mais à contrario nous avons aucun problème à répondre au téléphone et déranger les autres voyageurs.
J’ai aussi l’impression que nous avons mélangé de façon générique le racisme et le sectarisme, pour obtenir un rejet de l’autre ou plutôt, un « ne vient pas m’e……..der ! ».
Malheureusement, les transports en commun sont devenus le creuset, voir même la vitrine où figure ce nouveau mal être qu’est le « je ne sais plus vivre ensemble ».
Une loi contre l’incivilité dans les transports en commun à même renforcé en 2016, le pouvoir des agents SNCF et RATP illustrant un changement de notre société.
Alors, dites-vous que si vous êtes respectueux, beaucoup d’autres ne le sont pas. Risquez-vous de vous faire taper sur la gueule en indiquant à une personne qu’il serait de bon ton de laisser sa place à une personne âgée ? ramasser une revue laissée à l’abandon sur un siège ? Faisons-le ! non pas pour montrer qu’on est un héros mais que c’est naturel.
Imaginez, en 2012, Paul Coustin dans le figaro avait même dressé le palmarès des pires incivilités sur le réseau de la RATP, une campagne de pub pleine d’humour avait été lancé pour « rappeler que ce n’était pas bien », 96% des franciliens l’avait trouvé utile, ouf !
Un petit florilège de ce que l’on pouvait lire en 2012 (ca doit encore être bon en 2019) :
- Parler fort dans son téléphone portable : 86 %
- Sauter par-dessus les tourniquets : 83%
- Laisser son journal sur un siège : 80 %
- Rentrer dans le véhicule sans laisser descendre les autres voyageurs : 78 %
- Ne pas valider son ticket ou son pass Navigo : 75 %
- Ne pas se placer à droite sur un tapis roulant ou un escalator : 75 %
- Manger à bord des trains ou des bus : 73 %
- Passer un tourniquet en se collant à un autre voyageur sans lui demander : 73 %
- Bousculer sans s’excuser en voulant rentrer ou sortir d’un véhicule : 71 %
- Rester assis sur son strapontin en période d’affluence : 69 %
- Etc…
Terminons par un cliché ; Vous n’êtes ni policier ni justicier. Mais ensemble, nous pouvons nous entraider. Nous pouvons donner de la visibilité au savoir-vivre dans les transports en commun et donner l’envie d’avoir envie (RIP Johnny) de les prendre.
Les transports en commun, mais surtout être en commun sera toujours notre avenir et les plus beaux BHNS, Tramway, Bus Autonome électrique ne resteront que des coquilles vides performantes, si les utilisateurs n’arrivent plus à voyager ensemble.
Faisons que nos projets de transports et nos réseaux soient le réceptacle d’utopie de bien-être et que nos chaines de mobilité quotidienne soient remplies de lieux de rencontre permettant aux utilisateurs de communiquer et de réapprendre à vivre ensemble.
En tant qu’acteurs de la mobilité, nous devons rendre les utilisateurs, acteurs eux-mêmes de la mise en œuvre d’une mobilité non pas plus efficace, mais apte au vivre ensemble. Laissons-les ouvrir le champ des possibles sans retenues.
Mais ça nous le détaillerons plus tard !